Après Poulets Grillés et son humour bienvenu, je reviens vers Franck Thilliez et je me lance dans un marathon pour combler mon retard dans la série Sharko-Hennebelle. Tous les tomes trônent dans ma bibliothèque depuis des années, il serait temps que je les lise, non ? J’avais laissé le couple de flics en Russie avec Atom[ka], je les retrouve en Argentine avec [Angor] (Fleuve éditions, 2014).
J’étais restée quelque peu dubitative concernant la fin d’Atom[ka], mais ce n’est pas pour autant que j’allais abandonner la série Sharko-Hennebelle. Pourtant, j’avoue que j’ai eu du mal à entrer dans [Angor]. Je ne me suis pas tout de suite attachée à Camille, qui sortait de nulle part et le couple de flics débordés avec leurs jumeaux m’a un peu ennuyée… Mais ! Le sujet du don d’organe s’est vite présenté et comme c’est quelque chose qui m’intéresse, je me suis accrochée. Et une fois que la machine de l’enquête s’est vraiment mise en marche, je n’ai plus pu m’empêcher de tourner les pages.
Mieux qu’un cours d’histoire
L’enquête personnelle de Camille pour retrouver son donneur est passionnante. Ça pose tellement de questions ! C’est vrai, après tout, pourquoi n’aurait-on pas le droit de connaître l’identité du donneur ou du receveur si les deux parties sont d’accord ? Peut-être que ça aurait aidé Camille à comprendre plus vite ces « faux souvenirs » qui lui trottaient dans la tête depuis sa greffe. D’ailleurs, ces passages sur la mémoire des organes est passionnante. On regrette presque que ce ne soit pas plus développé ou utilisé dans l’intrigue. Ça aurait certainement été plus crédible que la vie sur Jupiter…
Comme d’habitude avec Thilliez, j’ai aussi appris plein de choses sur ces fameux enfants volés du franquisme. À chaque fois, je me dis que j’aurais adoré que mes cours d’histoire soient aussi passionnants que ces thrillers. Et c’est intéressant de mettre en parallèle ces événements réels et cette organisation secrète fictionnelle parce que ça donne une tout autre ampleur à la réalité. Déjà, quand on ne connaît pas bien l’Histoire, comme moi, on découvre l’atrocité de ces crimes. Mais en plus, on se dit que, peut-être, il y a vraiment des gens comme ceux qui composent cette mystérieuse organisation aux trois cercles qui sont derrière ces crimes bien réels.
Fans du mal
Vous l’aurez compris, c’est justement ça qui m’a spécialement captivée dans [Angor], cette organisation secrète, ces criminels qui cherchent à devenir toujours meilleurs dans leur domaine, toujours plus proches de ce dont est capable le diable. J’ai adoré l’interrogatoire/interview de Sharko avec le tueur en série. Voir un criminel admirer un autre criminel comme une personne normal admirerait un chanteur ou une actrice, je trouve ça fou. C’est le genre d’interview que j’adorerai faire une fois dans ma carrière, aussi horrible que ça puisse paraître. D’ailleurs, Thilliez fait une comparaison similaire lorsque les flics découvrent l’existence d’une sorte de « marché du mal » :
« Des gens donneraient des fortunes pour porter un pull ou obtenir un morceau de chemise de leur star préférée. Pensez à Claude François, à ces fanatiques qui y laissent bien plus que leur salaire, qui pleurent chaque année devant sa tombe, qui vont jusqu’à faire de la chirurgie esthétique, qui s’évanouissent devant l’un de ses sosies. Alors, pourquoi n’existerait-il par l’autre versant du phénomène s’adoration ou de fétichisme ? Des admirateurs beaucoup plus discrets de ce qu’il y a de plus noir en l’être humain. Des gens prêts à tout pour obtenir leur petite parcelle de ténèbres. »
Ça paraît tellement évident une fois qu’on nous l’expose comme ça, mais c’est vrai que je n’y avais jamais pensé. Et tout le passage sur cette descente dans les enfers du crime est ultra captivante.
Au final, même si j’ai eu de la peine au début de la lecture, au moment où l’intrigue est complètement plongée dans la traque de ces monstres, que ces trois cercles mystérieux prennent le dessus sur tout, [Angor] devient vraiment intéressant. On retrouve la maîtrise du suspense propre à Thilliez et ça ne peut que motiver la lecture de la suite de la série.