Le froid et l’effroi. C’est là que vous emmène Franck Thilliez avec Atom[ka]. Le froid de congélateurs et de l’hiver. L’effroi de ce que peut imaginer et créer le cerveau humain. « Son corps est resté une heure en enfer et on ne revient pas de l’enfer aussi facilement, croyez-moi » (p.196) peut-on lire. Mais comment reviendra-t-on de cette lecture ?
En général, j’achète les livres de Franck Thilliez sans vraiment me soucier de leur contenu puisqu’il fait partie des auteurs que je place dans la catégorie « valeurs sûres ». Pour tout vous dire, je ne lis même pas les résumés. Mis à part le plaisir que j’ai à suivre ses enquêtes ou ses puzzles mentaux, ce que j’aime, c’est que, fort souvent, Thilliez fait tourner l’intrigue autour d’un thème qui m’est cher ou qui me fascine. Pour ne rester que dans la série Sharko-Henebelle dont il est question ici : Le Syndrome [E] traitait du cinéma, une de mes passions et sujet d’études, [GATACA] de la génétique, mes cours de biologie préférés au gymnase et, l’objet de cet article, Atom[ka] met en scène des journalistes, métier auquel j’aspire.
Atom[ka] est donc le troisième volet des aventures de Franck Sharko et Lucie Henebelle réunis. Le prologue nous emmène en Europe de l’Est, à quelques kilomètres de Kiev, là où la radioactivité est devenue maîtresse des lieux. Puis, le premier chapitre nous fait basculer à Paris pour retrouver Sharko et Henebelle. Un journaliste est retrouvé mort dans un congélateur. Qui est l’auteur.trice du crime et, surtout, qu’est-ce qui relie cet homme à celui rencontré dans le prologue ?
Je vais être franche, même si j’ai adoré Atom[ka], je ne le classerais pas parmi mes préférés et ça se joue bêtement sur les dernières pages. Comme dit plus haut, le fait que des journalistes d’investigation soient au cœur de l’enquête m’a fascinée. Dans la vraie vie, je suis très admirative des personnes qui risquent leur vie pour trouver des documents, des preuves, et dévoilent des histoires qui changent le cours du monde. On en a de bons exemples au cinéma avec Spotlight (Tom McCarthy, 2015), The Post (Steven Spielberg, 2017) et, plus récemment, Dark Waters (Todd Haynes, 2019). Ce qui est intéressant dans Atom[ka], c’est que les enquêteur.trice.s sont en quelque sorte contraint.e.s de refaire le travail des journalistes puisqu’ils sont soit morts, soit hors de tout radar. En effet, ce sont les découvertes de chaque personnage qui a fini par les relier. Et bien sûr, quelqu’un essaie de faire disparaître toutes ces informations, sinon ce serait trop facile ! Donc, pour trouver le coupable, il faut percer un mystère qui va au-delà de l’esprit d’un simple tueur. Bref, l’enquête rêvée.
« Ce diable-là, ce n’est pas avec un simple crucifix qu’on peut le combattre »
Comme à son habitude, Thilliez nous offre également un cours sur l’animation suspendue. C’est aussi pour ça que j’aime ses livres : son travail de recherche permet finalement aux lecteur.trice.s d’apprendre des choses, parfois très techniques, sans que ce soit barbant. D’autant plus que le sujet « mettre son corps en hibernation » a été vu et revu dans les œuvres de science-fiction quelles qu’elles soient ! L’entretien avec le chef de la chirurgie cardio-vasculaire était très intéressant, tout comme les expérimentations du tueur en série qui mettaient en pratique des théories incomplètes (aussi horrible que cela puisse être). Où on m’a un peu perdue, c’est sur le dénouement. (🚨 Attention spoiler) Le coup des gars qui auraient trouvé le moyen de mettre leur corps sur pause à long terme, probablement supervisés par le gouvernement russe, afin de pouvoir aller explorer Jupiter… J’ai trouvé ça un tantinet gros. Je n’ai pas de soucis avec le fait d’inventer des techniques ou d’avoir des personnages qui font des choses impossibles. Je trouve simplement que dans ce cas, il y a trop de décalage. Alors, certes, la théorie de l’animation suspendue ne s’est pas encore transformée en pratique courante qui fonctionne, mais cette soudaine arrivée de la conquête de l’espace m’a gênée. Il aurait peut-être été plus plausible de s’arrêter sur le fait que des personnes riches tentent de se mettre en hibernation dans l’espoir de vivre dans un autre monde (ce qui, apparemment, se fait). D’autant plus que Thilliez a coupé cours à l’interrogatoire de Scheffer (et donc à ses explications) en faisant débarquer les services secrets russes. Et qui dit services secrets russes dit motus, bouche cousue, fin de l’enquête et on n’en parle plus. J’ai vraiment eu l’impression que Thilliez se stoppait lui-même, qu’il s’était dit « bon ça part un peu trop dans la science-fiction » et qu’il avait opté pour la clôture facile avec gouvernement douteux et plein de secrets.
Double dénouement
Si ce dénouement principal m’a déçue, il n’enlève en rien la qualité de ce qui le précède. Je le redis, le 95% du livre m’a captivée ! J’ai autant appris sur l’animation suspendue que sur Tchernobyl et j’ai adoré faire le tour du monde avec nos deux enquêteur.trice.s préférés. De plus que cette fin décevante est tout de même rattrapée par la résolution de l’enquête parallèle qui faisait revivre son passé à Sharko. Celle-ci est une sorte de suite à Train d’Enfer pour Ange rouge, premier livre mettant en scène le commissaire parisien. Je ne l’ai pas encore lu (mais maintenant je connais la fin de l’histoire puisqu’elle est résumée dans Atom[ka]…) donc je ne peux pas dire si c’est un bon ou mauvais prolongement de l’histoire. Cependant, en l’état, j’ai bien aimé cette enquête, bien que plus « classique ». Pas de scientifiques fous ici mais un « simple » psychopathe, et un bon si j’ose dire ! (🚨 Attention spoiler) Son plan était presque parfait et, jusqu’à la toute fin, je croyais vraiment qu’il allait gagner. C’était sans compter sur une infime erreur (qui n’en est presque pas une d’ailleurs) !
Mais, maintenant que Sharko est en paix avec son passé et que tout semble aller pour le mieux pour le couple de flics, vont-ils toujours être aussi passionnants ? Ou faudra-t-il qu’il leur arrive un nouveau malheur pour faire ressortir leurs personnalités torturées ?
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